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même en Poitou et à Paris, touchant ma prison, l’obligèrent à donner au moins quelques démonstrations touchant ma liberté ; et il se servit pour cet effet de la crédulité de monsignor Dagni, nonce en France, homme de bien, et d’une naissance très-relevée, mais facile, et tout propre à être trompé. Il me l’envoya, accompagné de messieurs de Brienne et Le Tellier, pour me proposer ma liberté et de grands avantages, en cas que je voulusse donner ma démission de la coadjutorerie de Paris. Comme j’avois été averti par mes amis de cette démarche, je la reçus avec un discours très-étudié et très-ecclésiastique, qui fit même honte à monsignor Bagni et qui lui attira ensuite une fort rude réprimande de Rome. Ce discours, qui m’avoit été envoyé par M. de Caumartin, et qui étoit fort beau et fort juste, fut imprimé dès le lendemain. La cour en fut touchée au vif : elle changea et mon exempt et mes gardes ; mais ce changement n’altérà point du tout mon commerce.

Les instances du chapitre de Notre-Dame obligèrent la cour à permettre à un de son corps d’être auprès de moi et l’on choisit pour cet emploi un chanoine de la famille de M. de Bragelonne, qui avoit été nourri au collége avec moi, et auquel même j’avois donné ma prébende. Il s’ennuya trop dans la prison, quoiqu’il s’y fût enfermé avec joie pour l’amour de moi. Il y tomba malade d’une profonde mélancolie. Je m’en aperçus, et je fis ce qui étoit en moi pour l’en faire sortir ; mais il ne voulut jamais m’écouter sur cela. La fièvre double-tierce le saisit, et il se coupa la gorge avec un rasoir au quatrième accès. On eut l’honnêteté de me cacher le genre de sa mort dans tout le temps