Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/261

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la rivière de Loire ; et j’avois observé que, comme nous étions au mois d’août, elle ne battoit pas contre la muraille, et laissoit un petit espace de terre jusqu’au bastion. J’avois aussi remarqué qu’entre le jardin qui étoit sur ce bastion, et la terrasse sur laquelle mes gardes demeuroient quand je me promenois, il y avoit une porte que Chalusset y avoit fait mettre, pour empêcher les soldats d’y aller. Je formai sur ces observations mon dessein, qui fut de tirer, sans faire semblant de rien, cette porte après moi, qui, étant à jour par des treillis, n’empêcheroit pas les gardes de me voir, mais qui les empêcheroit au moins de pouvoir venir à moi ; de me faire descendre par une corde que mon médecin et l’abbé Rousseau, frère de mon intendant, me tiendroient ; et de faire trouver des chevaux au bas du ravelin et pour moi, et pour quatre gentilshommes que je faisois état de mener avec moi. Ce projet étoit d’une exécution très-difficile : il étoit extraordinaire ; et tout ce qui l’est ne paroît possible qu’après l’exécution à ceux qui ne sont capables que de l’ordinaire. Je l’ai observé cent et cent fois ; et il me semble que Longin, ce fameux chancelier de Zénobie, l’a observé avant moi dans son livre De sublimi genere. Enfin il n’y eût rien eu de plus remarquable en notre siècle que le succès d’une évasion comme la mienne, s’il se fût terminé à me rendre maître de la capitale du royaume, en brisant mes fers. Caumartin me donna cette pensée je l’embrassai avec ardeur. M. le président de Bellièvre l’approuva ; et aussitôt que M. le chancelier et Servien, qui étoient à Paris, surent que je marchois, ils ne pensèrent qu’à me quitter la place et à se sauver.