Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/27

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estimable d’avoir sacrifié sa personne, le parlement et la ville à la vengeance du Mazarin plutôt que d’avoir employé les armes des ennemis de la couronne ? Et ne dira-t-on pas au contraire : Le duc d’Orléans est un lâche et un innocent de prendre des scrupules qui ne conviendroient pas même à un capucin, s’il étoit aussi engagé que l’est le duc d’Orléans ? »

Voilà ce que Monsieur dit à M. de Damville, avec ce torrent d’éloquence qui lui étoit naturel, toutes les fois qu’il parloit sans préparation. J’ai oublié de vous dire que ce don Antonio Pimentel lui fut envoyé par Fuensaldagne sous prétexte de l’escorter, et que le cardinal lui donna de grandes espérances d’une paix avantageuse au roi Catholique. Don Antonio m’a dit qu’il lui avoit parlé en ces propres termes « Grabúgio fo per voi : je fais ce grabuge pour vous. Payez-moi en ne faisant pour M. le prince que la moitié de ce que vous y pouvez faire, ou dites dès à présent ce que vous voulez pour la paix. La France me traite d’une manière qui me donne lieu de vous pouvoir servir sans scrupule. »

Monsieur n’en fût pas apparemment demeuré là, si l’on ne fut venu l’avertir que M. le président de Bellièvre[1] étoit dans sa chambre. Il sortit du cabinet des livres, et il m’y laissa avec M. de Damville, qui m’entreprit en mon particulier avec une véhémence très-digne du bon sens de la maison de Ventadour, pour me persuader que j’étois obligé, et par la haine

  1. Pomponne de Bellièvre, second du nom, conseiller au parlement, président mortier, et ensuite premier président. Il eut plusieurs ambassades. Il mourut en 1657. (A. E.)