Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/275

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Nous quittâmes nos habits ; nous prîmes de méchans haillons de quelques soldats de la garnison, et nous nous mîmes à la mer à l’entrée de la nuit, à dessein de prendre la route de Saint-Sébastien, qui est dans le Guipuscoa. Ce n’est pas qu’elle ne fût assez longue pour un bâtiment de cette nature ; car il y a de Belle-Ile à Saint-Sébastien quatre-vingts lieues fort grandes ; c’étoit le lieu le plus proche de tous ceux où je pouvois aborder avec sûreté. Nous eûmes un fort gros temps toute la nuit. Il calma à la pointe du jour : mais ce calme ne nous donna pas beaucoup de joie, parce que notre boussole, qui étoit unique, tomba dans la mer par je ne sais quel accident, dans la mer. Nos mariniers, qui se trouvèrent fort étonnés, et qui d’ailleurs étoient fort ignorans, ne savoient où ils étoient, et ne prirent de route que celle qu’un vaisseau qui nous donna la chasse nous força de courir. Ils reconnurent à son garbe qu’il étoit turc, et de Salé. Comme il brouilla ses voiles sur le soir, nous jugeâmes qu’il craignoit la terre, et que par conséquent nous n’en pouvions être loin. Les petits oiseaux qui venoient se percher sur notre mât nous le marquoient d’ailleurs assez. La question étoit quelle terre ce pouvoit être : car nous craignions autant celle de France que celle des Turcs. Nous bordeyâmes toute la nuit dans cette incertitude ; nous y demeurâmes tout le lendemain et un vaisseau dont nous voulûmes nous approcher pour nous en éclaircir nous tira pour toute réponse trois volées de canon. Nous avions fort peu d’eau, et nous appréhendions d’être chargés en cet endroit par un gros temps, auquel il y avoit déjà quelque apparence. La nuit fut assez douce ; et nous aperçûmes à la pointe