Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/282

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fort longue, et une grande rondache à la main. Il me dit qu’il étoit le fils du logis, et qu’il me venoit avertir que le peuple étoit fort ému ; qu’il croyoit que j’étois un Français venu pour fomenter la révolte des laboureurs ; que l’alcade ne savoit lui-même ce qui en étoit ; qu’il étoit à craindre que la canaille ne prit ce prétexte pour me piller et pour m’égorger, et que le corps-de-garde qui étoit même devant le logis commençoit à murmurer et à s’échauffer. Je priai don Martin de leur faire voir sans affectation la litière du Roi, de les faire parler aux muletiers, de les mettre en conversation avec don Pedro, maître d’hôtel de M. de Vateville. Il entra justement dans ma chambre en ce moment, pour me dire que c’étoient des endemoniados qui n’entendoient ni rime ni raison, et qu’ils l’avoient lui-même menacé de le massacrer. Nous passâmes ainsi toute la nuit, ayant pour sérénades une multitude de voix confuses qui chantoient, ou plutôt qui hurloient des chansons contre les Français. Je crus, le lendemain au matin, qu’il étoit à propos de faire voir à ces gens-là, par notre assurance, que nous ne nous tenions pas pour Français. Je voulus sortir pour aller à la messe, et je trouvai, sur le pas de la porte, un sentinelle qui me fit rentrer assez promptement, en me mettant le bout de son mousquet dans la tête, et en me disant qu’il avoit ordre de l’alcade de me commander de me tenir dans mon logis. J’envoyai don Martin à l’alcade, pour lui dire qui j’étois ; et don Pedro y alla avec lui. Il me vint trouver en même temps ; il quitta sa baguette à la porte de ma chambre ; il mit un genou à terre et en m’abordant il baisa le bas de mon jus-