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propres paroles, que je remarque, parce qu’elles peuvent s’appliquer en mille rencontres que l’on fait dans la vie : « Nous ne craignons pas que vous nous apportiez du mauvais air, parce que nous savons bien que vous n’êtes pas passés à Occa ; mais comme vous vous en êtes approchés, nous sommes bien aises de faire en votre personne un exemple qui ne vous incommode point, et qui nous accommode pour les suites. » Cela, en espagnol, est plus substantiel, et même plus galant qu’en français.

Le vice-roi, qui étoit un comte arragonnois, me vint prendre avec cent ou cent vingt carrosses pleins de noblesse et la mieux faite qui soit en Espagne, il me mena à la messe au Leo (on appelle ainsi les cathédrales), où je vis trente ou quarante femmes de qualité, plus belles les unes que les autres ; et ce qui est de merveilleux, c’est qu’il n’y en a point de laides dans toute l’île au moins elles y sont très-rares ; ce sont, pour la plupart, des beautés très-délicates, et des teints de lis et de roses. Les femmes du bas peuple, que l’on voit dans les rues, sont de cette espèce, ; elles ont une coiffure particulière, qui est fort jolie. Le vice-roi me donna un magnifique dîner, dans une superbe tente de brocart d’or qu’il avoit fait élever sur le bord de la mer. Il me mena après entendre une musique dans un couvent de filles, qui ne cédoient pas en beauté aux dames de la ville. Elles chantèrent à la grille, à l’honneur de leur saint, des airs et des paroles plus galantes et plus passionnées que ne sont les chansons de Lambert[1]. Nous

  1. Lambert : Michel. C’étoit un musicien célèbre ; le cardinal de Richelieu avoit commencé sa fortune. Il chantoit très-agréablement, en