Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/294

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qui, voyant que la galère ne la suivoit plus, avoit repris sa route. Nous lui donnâmes chasse, elle la prit. Nous la joignîmes en moins de deux heures ; et nous trouvâmes en effet qu’elle étoit turque, mais entre les mains des Génois, qui l’avoient prise sur les Turcs, et l’avoient armée. Je fus, pour vous dire vrai, très-aise que l’aventure se fût terminée ainsi. Cette guerre ne me plaisoit pas. Le temps se chargeant un peu, l’on crut qu’il étoit à propos d’entrer dans Porto-Vecchio, qui est un port inhabité de Corse. Un trompette du gouverneur gênois d’un fort qui en est assez proche vint nous avertir, de la part de son capitaine, que M. de Guise étoit avec six galères de France à Porto-Condé ; qu’apparemment il nous avoit vus passer et qu’il pourroit nous venir surprendre la même nuit sur le soir. Nous résolûmes de nous remettre à la mer, quoique le temps commençât à être fort gros et qu’il y eût même quelque péril à sortir la nuit de Porto-Vecchio, parce qu’il a à sa bouche un écueil de rocher qui jette un courant assez fâcheux. La bourrasque augmenta avec la nuit, et nous eûmes une des plus grandes tempêtes qui se soit peut-être jamais vue à la mer. Le pilote royal des galères de Naples qui étoit sur notre galère et qui naviguoit depuis cinquante ans, disoit qu’il n’avoit jamais rien vu de pareil. Tout le monde étoit en prières, tout le monde se confessoit ; et il n’y eut que don Fernand Carillo qui communioit tous les jours quand il étoit à terre, et qui étoit d’une piété angélique il n’y eut, dis-je, que lui qui ne se jeta point aux pieds des prêtres avec empressement. Il laissoit faire les autres ; mais il ne fit rien en son particulier, et il me dit à l’oreille :