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Le vent nous ayant permis de sortir de Porto-Longone, nous prîmes terre à Piombino, qui est dans la côte de Toscane. Je quiltai dans ce lieu la galère, après avoir donné aux officiers, aux soldats et à la chiourme, tout ce qui me restoit d’argent, sans excepter la chaîne d’argent que le roi d’Espagne avoit donnée à Boisguérin. Je la lui achetai, et je la revendis au facteur du prince Ludovisio, qui est prince de Piombino. Je ne me réservai que neuf pistoles que je crus me suffire jusqu’à Florence.

Je suis obligé de dire, pour la vérité, que jamais gens ne méritèrent mieux des gratifications que ceux qui étoient sur cette galère. Leur discrétion à mon égard n’a peut-être jamais eu d’exemple. Ils étoient plus de six cents hommes, dont il n’y en avoit pas un qui ne me connût. Il n’y en eut jamais un seul qui en donnât seulement, ni à moi ni à aucun autre, de démonstration. Leur reconnoissance fut égale à leur discrétion. Celle que je leur avois témoignée de leurs honnêtetés les toucha tellement, qu’ils pleuroient tous quand je les quittai pour prendre terre à Piombino, qui fut proprement le lieu où je recouvrai ma liberté, laquelle jusque là avoit été hasardée par beaucoup d’aventures.