Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/303

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dinal d’Est eut aussi la bonté de me laisser en repos.

Le Pape me donna une audience de quatre heures dès le lendemain, où il me donna toutes les marques d’une bonne volonté qui étoit bien au dessus de l’ordinaire et d’un génie qui étoit bien au dessus du commun. Il s’abaissa jusqu’au point de me faire des excuses de ce qu’il n’avoit pas agi avec plus de vigueur pour ma liberté. Il en versa des larmes, même avec abondance, en me disant : « Dio lo pardoni à ceux qui ont manqué de me donner le premier avis de votre prison ! Ce forfante de Valancey me surprit, et il me vint dire que vous étiez convaincu d’avoir attenté sur la personne du Roi. Je ne vis aucun courrier, ni de vos proches, ni de vos amis. L’ambassadeur eut tout le loisir de débiter ce qu’il lui plut et d’amortir le premier feu du sacré collége, dont la moitié crut que vous étiez abandonné de tout le royaume, en ne voyant ici personne de votre part. » L’abbé Charier, qui, faute d’argent, étoit demeuré dix ou douze jours à Paris depuis ma détention, m’avoit instruit de tout ce détail à l’Hospitalita ; et il y avoit même ajouté qu’il y seroit peut-être demeuré encore longtemps si l’abbé Amelot ne lui avoit apporté deux mille écus. Ce délai me coûta cher : car il est vrai que si le Pape eût été prévenu par un courrier de mes amis, il n’eût pas donné audience à l’ambassadeur, où il ne la lui auroit donnée qu’après qu’il auroit pris lui-même ses résolutions. Cette faute fut capitale, et d’autant plus qu’elle étoit de celles que l’on peut aisément s’empêcher de commettre. Mon intendant avoit quatorze mille livres de mon argent quand je fus arrêté ; mes amis n’en manquoient