Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/305

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permis de passer pour dupe qu’en lieu du monde.

La disposition où le Pape étoit pour moi, laquelle alloit jusqu’au point de penser m’adopter pour son neveu, et l’indisposition cruelle qu’il avoit contre M. le cardinal Mazarin, eussent apparemment donné dans peu d’autres scènes, s’il ne fût tombé malade trois jours après, de la maladie de laquelle il mourut au bout de cinq semaines ; de sorte que tout ce que je pus faire, avant le conclave, fut de me faire traiter de ma blessure. Nicolo me démit l’épaule pour la seconde fois, pour la remettre. Il me fit des douleurs inconcevables, et il ne réussit pas dans son opération.

[1655] La mort du Pape arriva[1] ; et comme j’avois presque toujours été au lit, je n’avois eu que fort peu de temps pour me préparer au conclave, qui devoit être toutefois, selon toutes les apparences, d’un très-grand embarras pour moi. M. le cardinal d’Est disoit publiquement qu’il avoit ordre du Roi, non-seulement de ne point communiquer avec moi, mais même de ne me point saluer. Le duc de Terra-Nova, ambassadeur d’Espagne, m’avoit fait toutes les offres imaginables de la part du roi son maître, aussi bien que le cardinal de Harrach au nom de l’Empereur. Le vieux cardinal de Médicis, doyen du sacré collége et protecteur d’Espagne, prit d’abord une inclination naturelle pour moi. Mais vous jugez assez, par ce que vous avez vu de Saint-Sébastien et de Vivaros, que je n’avois pas dessein d’entrer dans la faction d’Autriche. Je n’ignorois pas qu’un cardinal étranger, persécuté par son Roi, ne pouvoit faire qu’une figure

  1. La mort du Pape arriva : Innocent x mourut le 7 janvier 1655.