Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/314

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d’Espagne, n’oublia pas de lui faire pénétrer qu’il étoit du service du Roi son maître, et de son intérêt particulier de lui ambassadeur, de ne se pas si fort abandonner aux Florentins, qu’il assujetît et à leurs maximes et à leurs caprices la conduite d’une couronne pour laquelle tout le monde avoit du respect.

Cette poudre s’échauffa peu à peu, et elle prit feu dans son temps. Je vous ai déjà dit que la faction de France donnoit toute sa force à Sachetti avec nous. La différence est qu’elle y donnoit à l’aveugle, croyant qu’elle y pourroit réussir, et que nous y donnions avec une lumière presque certaine que nous ne pourrions pas l’emporter : ce qui faisoit qu’elle n’y prenoit point de mesures hypothétiques, si l’on peut parler ainsi ; c’est-à-dire qu’elle ne songeoit pas à se résoudre quel parti elle prendroit, en cas qu’elle ne pût réussir à Sachetti. Comme le nôtre étoit pris selon cette disposition que nous tenions presque pour constante, nous nous appliquions par avance à affoiblir celle de France, pour le temps dans lequel nous jugions qu’elle nous seroit opposée. Je donnai par hasard l’ouverture à Jean-Charles de débaucher le cardinal Ursin, qu’il eut à bon marché ; et ainsi dans le moment que la faction d’Espagne ne songeoit qu’à se défendre de Sachetti, et que celle de France ne pensoit qu’à le porter, nous travaillions pour une fin sur laquelle ni l’une ni l’autre ne faisoit aucune réflexion, à diviser celle-là et à affoiblir celle-ci. L’avantage de se trouver en cet état est grand, mais il est rare. Il falloit pour cela une rencontre pareille à celle dans laquelle nous étions, et qui ne se verra peut-être pas en dix mille ans. Nous voulions Chigi,