Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/338

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ment logé sept ou huit jours après que je fus arrivé. Ils ajoutoient qu’il étoit nécessaire que je ne fisse aucune dépense, et parce que tous mes revenus étant saisis en France avec une rigueur extraordinaire, je n’en pourrois pas même soutenir une médiocre, et parce que cette modestie feroit un effet admirable dans le clergé de Paris, duquel j’aurois un grand besoin dans les suites. Je parlai sur ce ton à M. le cardinal Chigi, qui passoit pour le plus grand ecclésiastique qui fût au delà des monts ; et je fus bien surpris quand il me dit : « Non, non, monsieur ; quand vous serez rétabli dans votre siége, vivez comme il vous plaira, parce que vous serez dans un pays où l’on saura ce que vous pouvez et ce que vous ne pouvez pas. Vous êtes à Rome, où vos ennemis disent tous les jours que vous êtes décrédité en France : il est de la nécessité de faire voir qu’ils ne disent pas vrai. Vous n’êtes pas ermite, vous êtes cardinal, et cardinal d’une volée que nous appelons dans ce pays dei cardinaloni. Nous y estimons peut-être plus qu’ailleurs la modestie ; mais il faut à un homme de votre âge de votre naissance et de votre sorte, qu’elle soit tempérée ; il faut de plus qu’elle soit si volontaire qu’il n’y ait pas seulement le moindre soupçon qu’elle soit forcée. Il y a beaucoup de gens à Rome qui aiment à assassiner ceux qui sont à terre : n’y tombez pas, mon cher monsieur ; et faites réflexion, je vous supplie, quel personnage vous jouerez dans les rues avec les six estafiers dont vous parlez, quand vous trouverez un petit bourgeois de Paris qui ne s’arrêtera pas devant vous, et qui vous bravera pour faire sa cour au cardinal d’Est ! Vous