Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/340

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toute ma maison, qui étoit fort grande ; je fis des livrées modestes, mais nombreuses, de quatre-vingts personnes ; je tins une grande table. Les abbés de Courtenay et de Sévigné se rendirent auprès de moi. Campi, qui avoit commandé le régiment italien de M. le cardinal Mazarin, et qui s’étoit depuis attaché à moi, me joignit ; tous mes domestiques y accoururent. Ma dépense fut grande dans le conclave ; elle fut très-grande quand j’en fus sorti : mais elle fut nécessaire, et l’événement fit connoître que le conseil de mes amis d’Italie étoit mieux fondé que celui de mes amis de France : car M. le cardinal d’Est ayant défendu, dès le lendemain de la création du Pape, à tous les Français, de la part du Roi, de s’arrêter devant moi dans les rues, et même aux supérieurs des églises françaises de me recevoir, je fusse tombé dans le ridicule, si je n’eusse été en état de faire respecter ma dignité. Et vous allez connoître clairement cette vérité, par la réponse que le Pape me fit lorsque je le suppliai de me prescrire de quelle manière il lui plaisoit que je me conduisisse à l’égard de ces ordres de M. le cardinal d’Est. Je vous le dirai après que je vous aurai rendu compte des premières démarches qu’il fit après sa création.

Il fit apporter dès le lendemain même son cercueil sous son lit ; il donna le jour suivant un habit particulier aux caudataires des cardinaux ; il défendit au troisième aux cardinaux de porter le deuil au moins en leurs personnes, même de leurs pères. Je me le tins pour dit et je dis même à Azolin, qui en convint, que nous étions pris pour dupes, et que le Pape ne seroit jamais qu’un fort pauvre homme.