Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/344

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vât pas ma conduite ; que si je me mettois en devoir de me le faire rendre, je craignois de manquer au respect que je devois à Sa Sainteté, à laquelle seule il touchoit de régler tout ce qui nous regardoit et les uns et les autres ; que je la suppliois très-humblement de me prescrire précisément ce que je devois faire et que je l’assurois que je n’aurois pas la moindre peine à exécuter tout ce qu’il lui plairoit de m’ordonner, parce que je croyois qu’il y auroit autant de gloire pour moi à me soumettre à ses ordres, qu’il y auroit de honte à reconnoître ceux de M. le cardinal d’Est.

Ce fut à cet instant où je reconnus pour la première fois le génie du pape Alexandre, qui mettoit partout la finesse. C’est un grand défaut, et d’autant plus grand quand il se rencontre dans les hommes de grandes dignités, qu’ils ne s’en corrigent jamais ; parce que le respect que l’on a pour eux, et qui étouffe les plaintes, fait qu’ils demeurent presque toujours persuadés qu’ils fascinent tout le monde, même dans les occasions où ils ne trompent personne. Le Pape, qui dans la vue de se disculper, ou plutôt de se débarrasser de ma conduite soit à l’égard de la France, soit à celui du sacré collége, eût souhaité que je lui eusse contesté ce qu’il me proposoit, reprit promptement et même vivement la parole de me soumettre, que vous venez de voir, et il me dit : « Le cardinal d’Est, au nom du Roi. » Le ton avec lequel il prononça ce mot, joint à ce que le marquis Riccardi, ambassadeur de Florence, m’avoit dit la veille d’un tour assez pareil qu’il avoit donné trois ou quatre jours auparavant une conversation qu’il avoit eue avec lui : ce ton, dis-je, me fit