Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/355

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de n’en faire aucune au premier de ceux qui manqueroient à ce qu’ils me doivent, et que je me contenterois qu’ils coupassent les jarrets aux chevaux de leurs carrosses. Vous croyez aisément que personne ne s’exposa à recevoir un affront de cette nature. La plupart des Français s’arrêtèrent devant moi ; ceux qui crurent devoir obéir aux ordres de M. le cardinal d’Est évitèrent avec soin de me rencontrer dans les rues. Le Pape, à qui M. le cardinal Bichi grossit beaucoup la déclaration publique que j’avois faite sur la conduite que je tiendrois, m’en parla sur un ton de réprimande en me disant que je ne devois pas menacer ceux qui obéiroient aux ordres du Roi. Comme je connoissois déjà ses manières toutes artificieuses, je crus que je ne devois répondre que d’une façon qui l’obligeât lui-même à s’expliquer : ce qui est une règle infaillible pour agir avec les gens de ce caractère : Je lui répondis que je lui étois sensiblement obligé de la bonté qu’il avoit de me donner ses ordres ; que je souffrirois dorénavant tout du moindre Français ; et qu’il me suffisoit, pour me justifier dans le sacré collége, que je pusse dire que c’étoit par commandement de Sa Sainteté. Le Pape reprit ce mot avec chaleur, et il me répondit : « Ce n’est pas ce que je veux dire. Je ne prétends point que l’on ne rendre pas ce qu’on doit à la pourpre ; vous allez d’une extrémité à l’autre. Gardez-vous bien d’aller faire ce discours dans Rome. » Je ne repris pas avec moins de promptitude ces paroles du Pape ; je le suppliai de me pardonner si je n’avois pas bien pris son sens. Je présumai qu’il approuvoit le gros de la conduite que j’avois prise, et qu’il ne m’en avoit