Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/361

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hommes m’apporta. M. le cardinal Antoine ne me fit pas le compliment que l’on fait en cette occasion à tous les autres cardinaux. Je ne laissai pas de prendre ma place, d’y demeurer tout le temps de la cérémonie, et de me maintenir par là à Rome dans le poste et dans le train de cardinal français. La dépense qui étoit nécessaire à cet effet n’étoit pas la moindre des difficultés que j’y trouvais. Je n’étois plus à la tête d’une grande faction, que j’ai toujours comparée à une grande nuée dans laquelle chacun se figure ce qu’il lui plaît. La plupart des hommes me considéroient, dans les mouvemens de Paris, comme un sujet tout propre à profiter de toutes les révolutions ; mes racines étoient bonnes, chacun en espéroit du fruit, et cet état m’attiroit des offres immenses, et telles que si je n’eusse eu encore plus d’aversion à emprunter que je n’avois d’inclination à dépenser, j’aurois compté dans la suite mes dettes par plus de millions d’or que je ne les ai comptées par millions de livres. Je n’étois pas à Rome dans la même posture : j’y étois réfugié et persécuté par mon Roi ; j’y étois maltraité par le Pape. Les revenus de mon archevêché et de mes bénéfices étoient saisis ; on avoit fait des défenses expresses à tous les banquiers français de me servir. On avoit poussé l’aigreur jusqu’au point de demander des paroles de ne me point assister à ceux que l’on croyoit, ou que l’on avoit sujet de croire, le pouvoir ou le vouloir faire. L’on avoit même affecté, pour me décréditer, de déclarer à tous mes créanciers que le Roi ne permettroit jamais qu’ils touchassent un double de tout ce qui étoit de mes revenus sous sa main. L’on avoit de plus affecté de dissiper ces revenus avec une telle profu-