Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/439

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

    Le lundi[1], le duc de Beaufort
Fut fait pair eu pleine audience,
Où comme tel il prit séance.
Ensuite lecture s’y fit
De la lettre qu’on écrivit
À tous les parlemens de France.
Elle fut pliée en présence ;
Et pour la cacheter après,
On fit venir chandelle exprès :
Je pense des huit à la livre :
On mit dessus : Port, une livre.
Dans cette lettre l’on voyoit
Que le conseil d’un maladroit
Avoit pensé perdre à la halle
Toute l’autorité royale ;
Qu’on tâchoit malheureusement
D’anéantir le parlement :
Ce que pour rendre plus facile,
On avoit bloqué notre ville.
Que Paris, embreliquoqué
De se trouver ainsi bloqué,
Avoit besoin de l’assistance
De tout le reste de la France :
Vu qu’il se confessoit troublé
D’être non pas comme en un blé,
Mais sans blé pris et sans farine,
Fort proche d’avoir la famine ;
Et que, s’il ne se repaissoit,
Tout le royaume périssoit.
    Le soir, à cheval troupes fortes
Sortirent par diverses portes,
Pour la sûreté des marchands,
Qui portoient des vivres des champs.
    Le mardi du côté de Brie,
Sortit avec cavalerie
Le généreux prince d’Elbœuf.
Ce fut de janvier le dix-neuf,
Qu’ayant rencontré quelque bande
Des voleurs de notre viande,
Notamment de cinq cents gorets,
Il prit en main leurs intérêts ;
Et, battant ces oiseaux de proie,
Gagna les gorets avec joie,
Que ces animaux par leurs cris
Firent connoître à tout Paris.
    Le mercredi, le vingt, nous sûmes,
Par deux lettres que nous reçûmes,
Que le vaillant comte d’Harcourt
Devant Rouen demeura court,
Bien qu’aux portes de cette ville
Il jurât comme tous les mille :
Cependant que ce parlement
Ordonna d’un consentement
Qu’on prîroit la Reine régente
D’être si bonne et complaisante
De laisser Rouen, tel qu’il est
Défendre seul son intérêt ;
Et qu’ailleurs presseroit sa marche
Harcomt, qui vint au Pont de l’Arche
Monté sur un cheval rohan,
Sans avoir entré dans Rouen.
    Dès ce jour, pour la Normandie
Terre belliqueuse et hardie
Le grand Longueville quitta
Paris, qui fort le regretta.
La cour fit deux arrêts ensuite,
Dont l’un porte que sur la fuite
De beaucoup de particuliers
Sous des habits de cordeliers,
Et d’autres personnes sorties
Que Scarron n’auroit travesties,
On défend grands et petits
De prendre plus de faux habits,
Ni de changer leur seigneurie,
Ne fût-ce que par raillerie ;
Et parce que les partisans
Fuyoient en habits de paysans,
Les Jeans se faisoient nommer Pierres,
Les Pierres, Pauls ; si qu’en ces guerres
Souvent nos portiers, par ce dol,

  1. 18 janvier.