Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/447

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Reçut un avis plus pressant
Qui le fit dénicher bien vite :
Car il sut qu’avoit pris son gite
À Linas le fameux convoi
Qu’Etampe[1] envoyoit par charroi :
Noirmoulier lui prêtoit main-forte :
Mais pour une plus sûre escorte
La Mothe-Houdancourt et Beaufort
(C’étoit à qui courroit plus fort)
Etoient déjà dessus la voie,
Quand un avis on leur envoie,
Que le maréchal de Gramont
S’avançoit en pas de Gascon
Pour les couper sur leurs passages.
Nos généraux, prudens et sages,
Vinrent en ordre martial
Recevoir.ce grand maréchal,
Qui montra bravement la croupe
(Dit la chanson) avec sa troupe,
Bien qu’elle fût de cinq milliers,
Tant fantassins que cavaliers :
Laissant témoins de sa disgrâce
Plusieurs officiers sur la place,
Entre lesquels il dit adieu
Au brave colonel Noirlieu,
Qui, savant au fait de la guerre,
N’en fut pas moins porté par terre,
Quoiqu’armé comme un jaquemart ;
Et, malgré les ruses de l’art,
S’abattit en faisant une esse
Dessous Beaufort de qui l’adresse
Lui porta l’épée au gosier :
Coup qui l’empêcha de crier
Contre notre guerre civile,
Et d’embrasser cet autre Achille,
Ce Beaufort, dont l’illustre bras
Combloit de gloire son trépas.
Beanfort, dis-je, qui tête nue,
Sans armes que celle qui tue,
N’ayant qu’un buffle sur le corps,
Affronta ce jour mille morts,
Les poussa, leur dit pis que pendre,
Sans qu’elles osassent le prendre.
Ce fut lors que notre bourgeois
Fut aux champs la seconde fois,
Sur le bruit de cette rencontre.
Chacun d’eux fort zélé se montre :
Ils vont, ils volent au secours ;
Et l’on n’entend dans leurs discours
Quc vivent Beaufort et La Mothe !
Il n’en est pas un qui ne trotte,
Et se trouvent ainsi trottans
Plus de trente mille habitans,
Dont l’ardeur fut bien rengainée
Trouvant la bataille gagnée,
Et la victoire qui rioit
De nos bourgeois, qu’elle voyoit
Pester et se gratter la tête
De n’avoir été de la fête :
Jurant, pour faire les méchans,
Contre le prévôt des marchands.
Soit que madame la Victoire
Eût rappelé dans sa mémoire
Juvisy, que ces bons soldats
Ont promis de ne passer pas,
Et dont ils étoient sur la route :
Bref, ils revinrent sans voir goutte
Confondus avec les pourceaux,
Les moutons, les bœufs et les veaùx.
Il faisoit beau voir en bataille
Cinq cents gorets de belle taille :
Leur bataillon sage et discret
Laissoit un étron à regret ;
Mais pour mieux observer son ordre,
Chacun d’eux passoit sans le mordre.
Ensuite on voyoit les moutons
Qui faisoient mille plaisans bonds,
Et s’avançoient en criant baye,
Que reçut Saint-Germain-en-Laye.
Nos chefs entrèrent les premiers

  1. Arrivée du convoi d’Etampes.