Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/451

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Que l’archiduc nous envoya,
Et dont, disoit la harengère,
Il porte la paix, ma commère.
Il venoit faire compliment
A notre auguste parlement ;
Et ce fut ce jour que le drôle
Nous fit voir sa trogne espagnole :
Jour que, recru de son travail,
Il ne prit qu’une gousse d’ail,
Tant il avoit d’impatience
D’être bientôt à l’audience,
Où, la main dessus le rognon,
Il laissa tomber un oignon,
Comme il tiroit de sa pochette
Une missive assez bien faite,
Qu’avoit écrite l’archiduc,
Dont je vous donne tout le suc.
    « Du dix février à Bruxelle,
Je, l’archiduc, vous écris celle
Que vous rend le présent porteur ;
Je suis le garant et l’auteur
De tout ce que dira cet homme.
De ce qu’il dit voici la somme :
L’archiduc parle par ma voix ;
Il m’envoie offrir aux François
Une paix qu’ils ont souhaitée
Et qu’on a toujours rejetée.
Lors il se mit à dire mal
Contre monsieur le cardinal,
En accusant son ministère ;
Et dès qu’il lui plut de se taire,
La cour dit qu’il mettroit au net
Ce qu’il a dit, ce qu’il a fait ;
Et cependant, dans la semaine,
Qu’on députeroit vers la Reine
Pour l’instruire de tout cela,
Et prier par ce moyen-la
De ne faire pas la Normande :
Ains comme la cour lui demande,
Et qu’à messieurs les gens du Roi
Elle donnât jeudi sa foi ;
Prendre des sentimens de mère
Pour un peuple qui la révère,
Et finir un triste blocus
Qui ne fait rien que des cocus. »
    Le samedi[1], cent trois charrettes
De blés et de farines faites
Renforcèrent nos magasins,
Malgré messieurs les mazarins.
Ce convoi nous vint de la Brie
Au nez d’une troupe ennemie,
Et fut conduit par Noirmoutier,
Homme savant dans le métier,
Et qui, dans cette conjoncture,
Garantit fort bien sa voiture
Des mains du comte de Grancé,
Où le combat fut balancé.
Mais nous eûmes victoire entière,
Peu de nos gens au cimetière,
Encor que le choc fût très-chaud ;
Monsieur de La Rochefoucauld
Et monsieur de Duras le jeune,
Blessés par mauvaise fortune.
    Ce même jour, les ennemis
Traînèrent canons plus de six,
Dont ils firent battre en ruine
Le château de monsieur de Luyne,
Lusigny, qui le lendemain[2]
Fut pris, et tout son saint-crépin.
Le lundi[3], la troupe royale
Fit gribouillette générale
Aux environs de Montlhéry :
J’en suis encor tout ahuri.
Piller, brûler autour de Châtre,
Battre son hôte comme plâtre,
Ce sont ses péchés véniels.
Quels seront ses péchés mortels ?
Enfin ayant su que les nôtres,
Qui vivoient comme des apôtres,
Vcnoient avec elle compter,

  1. 20 février.
  2. 21 février.
  3. 22 février.