Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/468

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qui portent l’abondance dans les provinces qu’elles arrosent, mais qui ne laissent pas en même temps, dans leur plus grande largeur, d’être encore toutes troublées par la fange et par les impuretés qui descendent du côté de leurs sources eu qui tombent dans la suite de leurs cours.

La religion chrétienne agit sans doute avec beaucoup plus de force et de vigueur. Elle ne redresse pas seulement les intentions des hommes ; elle ne leur donne pas seulement des vues plus hautes et plus élevées, mais encore elle les rend capables de se servir de ses lumières : elle purifie et leurs volontés et leurs actions et, en un sens, on peut dire très-véritablement que, par un changement prodigieux, des crimes mêmes elle fait des vertus.

Saint Paul ne respire que le sang des disciples de Jésus-Christ, il ne songe qu’à la ruine et qu’à la perte de la religion : spirans erat cædis et minaram in discipulos. Et en même temps, et au même moment qu’il est dans cette malheureuse disposition, Dieu le touche ; ou pour parler plus conformément à sa vocation, Dieu l’emporte, par un coup violent et extraordinaire de sa miséricorde, dans la connoissance du christianisme, et en un instant sa fureur se change en une sainte ardeur pour le salut de ses frères. N’est-ce pas un prodige ?

Théodose, fumant encore du sang des citoyens de Thessalonique, marche d’un pas superbe pour entrer dans l’église comme pour la rendre complice de sa cruauté. Saint Ambroise, d’un seul regard, arrête la fierté d’un empereur victorieux de toutes les parties du monde ; et dans un moment sa fierté se change en un profond respect, et dans une sainte soumission pleine d’une véritable humilité. Et ce dernier exemple, qui nous représente l’orgueil de la terre confondu, et, pour ainsi parler, anéanti par un seul mouvement du ciel, nous marque puissamment le dernier effort de la grâce, puisqu’il nous fait voir la grandeur humaine, qui devant que les hommes eussent été éclairés de la lumière de l’Évangile, a été la cause la plus ordinaire et la plus générale de leur perte, et qui même depuis ce bonheur est encore, selon toutes les maximes de l’Écriture, la chose du monde la plus opposée à la véritable piété : puisque, dis-je, cet exemple nous l’a fait voir assujettie au christianisme, et assujettie jusqu’au point