Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/497

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vous que la tyrannie est le plus grand mal qui puisse arriver dans une république. L’état où est la nôtre tient de la nature de ces maladies qui, malgré l’abattement qu’elles causent, excitent dans l’esprit des malades de violens désirs pour la guérison. Répondez aux souhaits de tout le peuple, qui gémit sous l’injuste autorité de Doria. Secondez les vœux de la plus saine partie de la noblesse qui déplore en secret le malheur commun des Génois ; et songez enfin que si la foiblesse et la lâcheté s’augmentent tous les jours parmi eux, on ne blâmera pas tant Jeannetin Doria d’en être cause par son orgueil, que le comte Jean-Louis de Fiesque de l’avoir souffert par son irrésolution. La grande estime que vos bonnes qualités vous ont donnée a déjà fait le coup le plus important de cette affaire. Qu’on ne me parle. point de votre jeunesse comme d’un obstacle au succès d’un dessein si glorieux : c’est un âge ou la chaleur du sang, qui fait les plus nobles mouvemens du courage, n’inspire que de grandes choses ; et dans les actions extraordinaires on a toujours plus besoin de vigueur et de hardiesse, que des froides réflexions d’une prudence timide qui en découvre les inconvéniens. Mais, outre cela, votre réputation est si bien établie, que l’on peut dire, sans vous flatter, qu’avec tout ce que la jeunesse a de charmes pour attirer des amis, vous avez acquis cette créance dans le monde, que l’on n’obtient d’ordinaire que dans un âge plus avancé. C’est pourquoi vous êtes dans une heureuse obligation de soutenir cette haute idée que l’on a conçue de votre vertu. Vous connoissant désintéressé au point que vous l’êtes, je ne sais si je dois ajouter, aux considérations du malheur de notre république, des motifs qui vous regardent en particulier, mais puisqu’il y a des rencontres où l’intérêt se trouve si attaché avec l’honneur, qu’il est presque aussi honteux de ne le considérer pas qu’il est quelquefois glorieux de le mépriser, je vous supplie de jeter les yeux sur l’état où vous serez, si le gouvernement présent dure encore quelque temps. Ceux qui joignent un grand mérite à une grande naissance ont toujours dans le monde deux puissantes ennemies, l’envie des courtisans, et la haine de ceux qui occupent les premières places. Il est extrêmement difficile de ne s’attirer pas la pre-