Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/500

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noissances que la nature vous a données ne doivent pas ressembler à ces lumières foibles et stériles qui n’ont qu’un peu d’éclat, et qui n’ont aucune chaleur. Il faut qu’elles soient comme la lumiére du soleil, qui produit ce qu’elle éclaire. Il faut que les grandes pensées soient suivies de grands effets et que dans l’exécution aussi bien que dans le projet de cette entreprise, votre courage ne trouve rien qui l’empêche de vous rendre le dompteur des monstres, le vengeur des crimes, l’asyle des affligés, l’allié des grands rois, et l’arbitre de l’Italie. Mais si, dans le moment que je vous parle, cette apparence de liberté que l’on voit encore dans notre république se présente à votre esprit, je crains avec quelque sujet qu’elle n’arrête le cours de votre ambition : car je sais qu’une ame aussi délicate que la vôtre, et aussi jalouse de la gloire, aura peine à souffrir de se voir ternie par ces noms terribles de rebelle, de factieux et de traître. Cependant ces fantômes d’infamie que l’opinion publique a formés pour épouvanter les ames du vulgaire ne causent jamais de honte à ceux qui les portent pour des actions éclatantes, quand le succès en est heureux. Les scrupules et la grandeur ont été de tous temps incompatibles ; et ces foibles préceptes d’une prudence ordinaire sont plus propres à débiter à l’école du peuple qu’à celle des grands seigneurs. Le crime d’usurper une couronne est si illustre, qu’il peut passer pour une vertu. Chaque condition des hommes a sa réputation particulière : l’on doit estimer les petits par la modération, et les grands par l’ambition et par le courage. Un misérable pirate qui s’amusoit à prendre de petites barques du temps d’Alexandre passa pour un infâme voleur : et ce grand conquérant, qui ravissoit les royaumes entiers, est encore honoré comme un héros ; et si l’on condamne Catilina comme un traître, l’on parle de César comme du plus grand homme qui ait jamais vécu. Enfin je n’aurois qu’à vous mettre devant les yeux tous les princes qui règnent aujourd’hui dans le monde, et à vous demander si ceux dont ils tiennent leurs couronnes ne furent pas des usurpateurs. Mais si ces maximes ont quelque chose qui ne s’accdmmode pas avec votre délicatesse ; si l’amour de votre pays est plus fort dans votre cœur que celui de votre gloire ; s’il vous reste encore