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qu’elles étoient conformes à l’inclination naturelle qu’il avoit toujours eue pour la gloire, et à cette grandeur d’âme qui faisoit qu’aucune chose ne lui paroissoit difficile pourvu qu’elle fût honorable : il se résolut enfin d’entreprendre celle-ci avec ses propres forces, et de n’y employer que les amis et les serviteurs que sa haute naissance, sa courtoisie extraordinaire, sa libéralité inépuisable, et toutes ses autres bonnes qualités, lui avoient acquis.

Il se trouve assez de personnes qui ont du mérite, du courage et de l’ambition, et qui roulent dans leur esprit des pensées générales de s’élever, et de rendre leur condition meilleure : mais il s’en rencontre rarement qui, après les avoir formées, sachent faire le choix des moyens qui sont propres à l’exécution, et qui ne se relâchent pas du soin continuel qu’il faut avoir pour les faire réussir : ou quand ils s’en donnent la peine, c’est presque toujours à contre-temps, et avec trop d’impatience d’en voir le succès. Et cela est si vrai que dans les affaires de la nature de celle-ci, la plupart des hommes prennent d’ordinaire plus de loisir qu’il ne faut pour s’y résoudre ; mais ils n’en prennent jamais autant qu’il est nécessaire pour exécuter ce qu’ils ont résolu. Ils ne songent pas d’assez loin à disposer toutes leurs actions pour la fin qu’ils se sont proposée, à conduire tous leurs pas sur le plan qu’ils ont formé une fois, à s’établir un fonds de réputation, à s’acquérir des amis, et faire enfin toutes choses en vue de leur premier dessein. Au contraire, on les voit souvent changer de vue tout à coup ; leur esprit paroît inquiet, et surchargé du secret et du poids de leur entreprise, et dans les changemens et l’irrégularité de leur conduite, ils laissent toujours échapper quelque chose qui peut donner prise à leurs surveillans, et de l’ombrage à leurs ennemis.

Le comte Jean-Louis de Fiesque remédia très-sagement à ces inconvéniens : car se connoissant d’un esprit porté aux grandes choses, et voyant bien qu’il seroit un jour capable de ramener ses inclinations générales à quelque dessein particulier et important pour son élévation, il se donna tout entier à cette pensée : et comme il avoit de lui-même une ardeur incroyable pour la gloire, est beaucoup d’adresse pour accroître sa réputation, il vivoit de manière que toutes les grandes qualités que l’on remarquoit en