Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/513

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une passion extraordinaire d’acquérir de la gloire, se soit laissé emporté à des discours dont il est impossible de se ressouvenir sans horreur, et qui ne servoient en façon du monde à ses desseins ? Quoi qu’il en soit, dès qu’il eut achevé de parler à ces gentilshommes, et qu’il les eut informés de l’ordre de son entreprise, il s’en alla dans l’appartement de sa femme, qu’il trouva dans les pleurs, prévoyant bien que ces grands préparatifs qui se faisoient dans sa maison ne pouvoient être destinés par son mari qu’à quelque action dangereuse : Il crut donc qu’il ne devoit pas lui en cacher plus long-temps la vérité : mais il essaya de diminuer ses craintes par toutes les raisons dont il put s’aviser, en lui représentant à quel point les choses étoient engagées, et l’impossibilité où il étoit de s’en retirer. Elle fit tous les efforts imaginables pour le détourner de cette action, et se servit du pouvoir que lui donnoit sur son esprit la tendresse qu’il avoit pour elle ; mais ni ses larmes ni ses prières ne purent ébranler sa résolution. Paul Pansa, qui avoit été son gouverneur, et pour lequel il avoit une grande vénération, se joignit à la comtesse, et n’oublia rien pour le ramener dans les bornes du devoir d’un citoyen, et lui représenter tout ce qu’il hasardoit dans cette occasion. Le comte fut aussi peu touché des conseils de son gouverneur que des caresses et des pleurs de sa femme. Il avoit, comme on dit de César, passé le Rubicon ; et rentrant dans la salle où il avoit laissé ceux qui avoient soupé avec lui, il donna les derniers ordres pour l’exécution de son entreprise. Il commanda cent cinquante hommes choisis entre ce qu’il avoit de gens de guerre, pour aller dans cette partie de la ville que l’on appelle le Bourg, où il les devoit suivre, accompagné de la noblesse. Corneille, son frère bâtard, eut ordre, dès qu’on seroit arrivé au Bourg, de se séparer avec trente hommes détachés, pour marcher à la porte de l’Arc et s’en rendre maître. Hiérôme et Ottobon ses frères, avec Vincent Calcagno eurent charge de prendre celle de Saint-Thomas, en même temps qu’ils entendroient le coup de canon que l’on tireroit de sa galère commandée par Verrina, qui étoit toute prête pour serrer la bouche de la Darse, et investir cette du prince Doria. Le comte devoit se rendre par terre à cette porte, après avoir laissé des corps de garde en passant à l’Arc de Saint-André, de Saint-Donat, et à la place des