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DE CONRART. [1652]

car il serra étrangement la main de madame de Rambouillet, sans donner pourtant aucun signe d’entendre ce qu’elle lui disoit. On le mit dans un carrosse pour l’emporter, et il y expira incontinent. Le duc de Beaufort vouloit qu’on le portât à l’hôtel de Vendôme : ce que les siens ne voulurent pas. Il y étoit aussi accouru des Augustins déchaussés, dont l’église est fort proche de ce lieu-là ; mais ils y vinrent trop tard, comme les autres. Comme le carrosse étoit proche de cette église, M. le prince, qui accouroit sur le bruit qu’il avoit eu de ce combat, apprit que M. de Nemours étoit mort ; et ayant demandé où il étoit, on lui dit qu’il étoit dans ce carrosse qu’on lui montroit. Sur quoi il ordonna qu’on menât le corps chez lui : ce qui fut fait. Il en témoigna beaucoup d’affliction, et sur-le-champ il jura, se prit aux cheveux, et fit enfin toutes les actions d’un homme transporté et outré de douleur, et depuis témoignant qu’il n’en pouvoit ouïr parler sans lui faire de nouvelles plaies dans le cœur. L’abbé de Saint-Spire, songeant à l’angoisse que cette nouvelle devoit donner à la duchesse de Nemours[1], qui, étant très-pieuse et aimant chèrement son mari, devoit avoir des ressentimens inconcevables de sa perte et de la manière dont elle le perdoit, alla tout courant chercher l’évêque de Grasse[2], prélat savant et pieux, pour lui en adoucir l’amertume en la lui apprenant. Il y alla du même pas, et la trouva dans une inquiétude non pareille, parce qu’elle avoit déjà découvert, par les cris et les gémissemens

  1. La duchesse de Nemours : Elisabeth de Vendôme, sœur du duc de Beaufort.
  2. L’évêque de Grasse : Antoine Godeau, évêque de Grasse et de Vence.