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[1652] MÉMOIRES

Or, comme ce lieu d’Ormée, d’ormistes et d’Ormières est une chose inconnue à beaucoup de personnes, il faut ici en peu de mots en dire l’origine, le progrès et la fin.

Le Roi ayant fait grâce aux Bordelais en l’année 1650, dans laquelle il leur donnoit une amnistie générale de leurs révoltes, il leur promit un autre gouverneur que M. d’Épernon : mais comme la cour différoit de satisfaire à ce dernier article, les frondeurs crurent que Sa Majesté le leur continueroit ; et cette pensée les obligea de faire tant de diverses assemblées au menu peuple, lequel s’étant un jour attroupé sur les fossés de l’hôtel-de-ville, donna sujet aux jurats de faire dire à cette canaille qu’elle ne pouvoit s’assembler sans la permission des magistrats ; et que s’ils ne se retiroient, on tireroit sur eux. L’un des plus factieux dit à cette troupe : « Allons à l’Ormière, nous serons en liberté. »

Cette Ormée est une butte de terre élevée et aplanie, proche du château du Ha, sur laquelle sont plantés quantité d’ormes pour servir de promenade. Ils allèrent donc sous ces ormeaux ; et cette assemblée grossit si horriblement, qu’en moins de deux heures il s’y trouva plus de trois mille personnes, qui ne parloient que de poignarder, de massacrer et de jeter dans la rivière les épernonistes et les mazarins ; et qu’il falloit avoir un autre gouverneur que M. d’Épernon. Sur cela le parlement s’assemble, et résout qu’on enverroit en diligence vers le Roi un nommé Cazenave, qui, pour rendre son voyage plus spécieux, fit croire à la Reine que Bordeaux étoit tout en feu, et le peuple prêt à se révolter et à se