Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/133

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SONNET CXXXVIII.

Il met tout son bonheur à contempler les beautés de Laure.

De même que la vie éternelle consiste à voir Dieu, qu’on ne demande pas et qu’il n’est pas permis de demander plus, ainsi pour moi, ma Dame, vous voir me fait heureux en cette courte et frêle vie.

Et jamais je ne vous ai vue si belle que je vous vois aujourd’hui, si mes yeux disent la vérité à mon cœur, brise heureuse de mes douces pensées, qui dépasse les plus hautes espérances, les plus grands désirs.

Et n’était qu’elle est si prompte à s’enfuir, je ne demanderais pas plus ; car, s’il existe des gens — et on donne cette chose pour vraie — qui vivent seulement d’odeurs ;

S’il en est d’autres qui satisfont le goût et le toucher avec l’eau ou le feu, choses absolument privées de saveur, pourquoi ne me nourrirais-je pas, moi, de votre seule vue ?


SONNET CXXXIX.

Il invite Amour à voir la belle démarche et les gestes doux et suaves de Laure.

Restons, Amour, à regarder notre gloire, des choses au-dessus de la nature, nobles et inusitées ; vois quelle douceur elle renferme ; vois la lumière que le ciel montre sur terre.

Vois quel art a doré, couvert de perles et de pourpre son vêtement choisi et qu’on n’a jamais vu ailleurs ; combien doucement elle meut ses pas et ses regards par l’ombreuse enceinte de ces collines.

L’herbe verte et les fleurs de mille couleurs, éparses parmi ces chênes antiques au feuillage sombre,