Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/148

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toyables, il fait semblant de ne pas voir, ou bien il ne voit pas que mes tempes fleurissent avant le temps, ou bien il n’en a cure.


SONNET CLVI.

Comment et quand il est entré dans le labyrinthe de l’Amour, et comment il y demeure.

Le désir m’éperonne, Amour me guide et me conduit, le plaisir me tire après lui, l’habitude me pousse, l’espérance me flatte et m’encourage, et porte la main droite à mon cœur déjà lassé.

Le misérable la prend, et ne s’aperçoit point que celui qui nous escorte est aveugle et déloyal ; les sens règnent et la raison est morte, et l’âme renaît d’un vague désir.

La vertu, l’honneur, la beauté, les nobles manières, les douces paroles m’ont saisi sous ces beaux rameaux où le cœur s’englue si doucement.

Ce fut en l’année mil trois cent vingt-sept, le sixième jour d’avril, vers la première heure, que j’entrai dans ce labyrinthe ; et je ne vois pas par où on en sort.


SONNET CLVII.

Depuis si longtemps qu’il est le fidèle serviteur d’Amour, il n’a eu pour récompense que les larmes.

Heureux en songe, et content de languir, d’embrasser l’ombre et de courir après le vent, je nage dans une mer qui n’a ni fond ni rivage, je laboure l’eau, je bâtis sur le sable, et j’écris au vent.

Je me plais tellement à contempler le soleil, qu’il a déjà, par sa splendeur, éteint ma puissance visuelle :