Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/245

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tenant c’en est une si amère que nulle ne l’est davantage. Bien sait la vérité de cela, celui qui l’apprend, comme moi je l’ai fait à ma grande douleur.

Celle qui fut l’honneur de notre siècle, est maintenant celui du ciel qu’elle orne et qu’elle éclaire tout entier. Pendant sa vie, elle me donna un repos court et rare ; maintenant elle m’a ravi tout repos.

La Mort cruelle m’a ravi tout mon bien ; et la grande félicité dont jouit ce bel esprit délivré de ses liens, ne peut consoler mon état malheureux.

J’ai pleuré et chanté ; je ne sais plus changer de note, mais jour et nuit j’exhale et je déverse par la langue et par les yeux le deuil amassé dans mon âme.


SONNET LXXIII.

En songeant que Laure est au ciel, il se repent de son excessive douleur, et il s’apaise.

L’amour et la douleur ont poussé, là où elle ne devait pas aller, ma langue portée à se lamenter, à dire sur celle pour qui j’ai chanté et brûlé, ce qui, si c’était vrai, serait un tort.

Car mon malheureux état devrait bien être adouci par la béatitude de Laure, et mon cœur devrait bien se consoler en la voyant tellement se familiariser avec lui que, vivante, elle eut toujours dans le cœur.

Et je m’apaise bien, et je me console moi-même ; et je ne voudrais pas la revoir en cet enfer ; je veux au contraire mourir et vivre seul.

Car, plus belle que jamais, je la vois avec le regard intérieur au milieu des anges, élevant son vol jusqu’au pied de son Seigneur éternel et du mien.