Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/48

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n’est d’éprouver si Amour a peu ou prou d’égards aux prières des mortels.

Je ne le prie point, et cela ne se peut plus, de faire que mon cœur brûle démesurément ; mais qu’au moins elle ait aussi sa part du feu qui me consume.


SIXAIN III.

Il compare Laure à l’hiver, et prédit qu’elle sera toujours ainsi.

L’air chargé de vapeurs, et la nuée importune, comprimée de toutes parts par les vents furieux, doivent promptement se convertir en pluie ; et déjà les rivières sont quasi de cristal ; et au lieu d’herbe, on ne voit par les vallons que brume et que glace.

Et moi, dans mon cœur bien plus froid que la glace, j’ai une nuée de pensées aussi épaisse que celle qui parfois s’élève de ces vallons abrités contre les vents amoureux, et entourés de fleuves stagnants, alors que la pluie tombe du ciel plus lente.

En un instant s’apaise une grande pluie ; la chaleur fait disparaître les neiges et la glace, et alors les fleuves coulent superbes à voir. Et jamais la fureur des vents n’a fait tomber du ciel une si grande quantité de neige, qu’elle ne finisse par disparaître des montagnes et des vallons.

Mais, hélas ! que me sert de voir les vallons fleuris ! Je pleure, qu’il pleuve ou que le ciel soit serein, que les vents soient glacés ou suaves. Car s’il arrive que ma Dame soit un jour sans glace au dedans, et sans son aspect de neige au dehors, je verrai la mer, les lacs et les fleuves devenir secs.

Tant que les fleuves descendront à la mer ; que les bêtes sauvages aimeront les vallons ombreux, elle