Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/112

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notre contrée est si bien peuplée d’innombrables divinités toujours présentes qu’il est plus aisé d’y rencontrer un dieu qu’un homme. Ne croyez donc pas que je sois conduite ici par la vengeance. Je suis plus émue par votre jeunesse que par le tort que vous m’avez fait. C’est par imprudence, j’aime à le croire encore, que vous avez commis ce crime inexpiable.

Quant à moi, déjà mal à mon aise, j’ai été envahie cette nuit par un froid tellement mortel, qu’effrayée par mes frissons, j’ai craint un accès de fièvre tierce. J’ai donc demandé aux songes un remède : il m’a été prescrit de venir vous trouver. C’est vous qui possédez les moyens d’adoucir mon mal quand je vous en aurai fait comprendre la subtilité maligne[1].

Mais ce n’est pas tant le remède qui me préoccupe : une douleur plus grande déchire mon cœur et me met au seuil du tombeau : n’allez pas, avec l’indiscrétion de votre âge, divulguer ce que vous avez vu dans le temple de Priape et jeter à la foule les secrets des dieux[2]. Je lève vers vos genoux mes deux mains suppliantes. Je vous le demande, je vous en prie, ne parodiez pas, ne plaisantez pas nos cérémonies nocturnes, ne portez pas la lumière sur des secrets vieux de tant d’années, qu’à peine mille personnes connaissent. »

  1. Passage obscur. Il faut peut-être comprendre : d’adoucir mon mal par un subtil mystère que vous me montrerez.
  2. Ces mystères n’étaient plus un secret au temps de Juvénal. Voici ce qu’il en dit (Sat. VI, contre les femmes, v. 315) : « On sait à présent ce qui se passe aux mystères de la bonne déesse, quand la trompette agite ces autres Ménades, et que, la musique et le vin excitant leurs transports, elles font voler en tourbillons leurs cheveux épars et invoquent Priape à grands cris. Quelle ardeur, quels élans ! quels torrents de vin ruissellent sur leurs jambes ! Laufella, pour obtenir la couronne offerte à la lubricité, provoque de viles courtisanes et remporte le prix. A son tour, elle rend hommage aux