Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/194

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et il ronfle : il louche bien un peu aussi, mais qu’importe : c’est, dit-on, le regard de Vénus[1] ; donc cela me plaît. C’est même à cause de son œil mort que j’ai payé ce coquin-là trois cents deniers. »

LXIX. DERNIÈRE ENTRÉE

Scintilla l’interrompit : « Tu n’as pas dit encore tous les métiers de ce scélérat. Il te sert aussi de tapette et sera marqué quelque jour j’en fais mon affaire. »

Trimalcion se mit à rire : « Je reconnais bien là, dit-il, un de ces Cappadociens[2] qui ne se privent de rien, et ma foi, Habinnas, je ne vous blâme pas, car vous n’avez pas votre pareil au monde. Quant à vous, Scintilla, ne soyez pas si jalouse. Croyez-moi, nous vous connaissons, vous autres femmes. Je le jure sur ma vie, c’est ainsi que j’avais l’habitude de chahuter Mammea elle-même, au point que mon maître eut des soupçons et me relégua dans une métairie. Mais tais-toi, ma langue, et tu auras du pain[3]. » Croyant sans doute qu’on le louait, ce maudit esclave tira de son sein une lampe d’argile avec laquelle il imita les joueurs de flûte pendant plus d’une demi-heure, cependant qu’Habinnas, la main sur sa lèvre inférieure, l’accompagnait en sifflant. Enfin, s’avançant au milieu de la salle, tantôt avec des roseaux fendus il parodiait les musiciens, tantôt en casaque et le fouet en main il sin-

  1. Les anciens prétendaient en effet que Vénus louchait.
  2. Les Cappadociens avaient dans l’antiquité une réputation bien établie de mauvaise foi. Juvénal dit que c’est parmi eux que se recrutaient les faux témoins de profession.
  3. Proverbe visant les oisifs qui, n’ayant rien à faire, passent eur- temps à médire des autres.