Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/214

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je me jetai même sur cette proposition et j’acceptai l’arbitre.

Celui-ci ne délibéra pas pour se donner l’air d’hésiter, mais à peine avais-je parlé qu’il se leva et choisit Ascylte pour son ami ! Foudroyé par cet arrêt, comme si j’étais désarmé, je tombai sur mon lit et j’aurais porté sur moi une main meurtrière si je n’avais craint de couronner par là le triomphe de mon rival. Il sort donc triomphalement avec le trophée de sa victoire, cet Ascylte, plantant là son ancien camarade, jadis si cher, son compagnon dans la bonne et dans la mauvaise fortune, qu’il laisse seul et sans appui en terre étrangère :

Le nom d’ami n’a de prix qu’autant qu’il est utile :
Le pion suit sur le damier le pion mobile.
Tant que la Fortune m’est fidèle, vous me faites bon visage, mes bien chers :
Vient-elle a à changer, vous me tournez le dos sans vergogne.
La troupe des masques s’agite sur la scène celui-ci fait le père,
L’autre le fils, un troisième joue les richards :
Mais, sitôt le livre fermé sur un dernier éclat de rire,
Les masques tombent chacun reprend sa figure et ses soucis.

LXXXI. PLAINTE TOUCHANTE D’ENCOLPE ABANDONNÉ[1]

Je ne perdis pas beaucoup de temps à pleurer, mais craignant que, pour comble de malheur, Ménélas, notre sous-maître, ne me trouvât seul dans cette auberge, réunissant mes quelques bagages, je me retirai dans un quartier peu fréquenté, au bord de la mer. Là, je restai trois jours sans sortir, obsédé par l’idée de ma solitude et le souvenir de tant de mépris. Je me frappais la poitrine

  1. Ces plaintes d’Encolpe a sont, dit M. Collignon, d’un ton soutenu et d’une noblesse de langage peu en rapport avec le personnage et les circonstances ». C’est qu’elles sont une parodie de l’Enéide, II, 664 à 672.