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CXII. FIN DE LA MATRONE

« Chacun sait quel nouveau besoin s’impose à l’homme aussitôt rassasié. Les mêmes moyens de persuasion par lesquels il avait obtenu que la matrone consente à vivre, le soldat en usa pour faire le siège de sa vertu. Encore jeune, il n’était dépourvu ni de beauté, ni d’éloquence. La chaste veuve s’en était aperçue. Du reste, la servante plaidait la cause du soldat et ne se lassait pas de dire :

 …Pourquoi lutter contre l’amour,
Et ne voyez-vous pas en quels lieux se consume votre beauté[1] ?

« A quoi bon vous faire languir ? Il y eut une autre partie de sa personne que la pauvre femme ne sut pas mieux défendre que son estomac, et le soldat triomphant put enregistrer un second succès.

« Donc ils couchèrent ensemble, et non seulement cette nuit même, qui fut celle de leurs noces, mais le lendemain et encore le jour suivant, non sans avoir eu soin de fermer la porte du caveau, de sorte que, si quelque parent ou ami était venu au tombeau, il eût certainement pensé que la trop fidèle épouse avait fini par expirer sur le cadavre de son mari.

« Quant au soldat, enchanté par la beauté de sa maîtresse et le mystère de l’aventure, il achetait, suivant ses modestes moyens, tout ce qu’il pouvait trouver de bon, et sitôt la nuit venue le portait dans le tombeau. C’est pourquoi les parents d’un des suppliciés, voyant que la

  1. Comme celui cité un peu plus haut, ces vers sont empruntés à Virgile : au livre IV de l’Enéide pp. 38 et 39, Anne, conseillant à Didon de ne pas repousser Énée, lui rappelle dans quel pays barbare elle se trouve : Nec venit in mentem, quorum conserderis arvis.