Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/301

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‘ Accablé par ce qui m’arrivait, je n’étais pas maître de moi et je ne savais pas bien ce que je disais : « A quoi bon, m’écriai-je, me rappeler les souvenirs du passé, pour m’en créer de nouveaux sujets de souci ? » Enfin, je pris la résolution de ne rien négliger pour recouvrer mes forces viriles. Je voulus même me vouer aux dieux. Je sortis donc pour invoquer Priape et, ’ à tout hasard, feignant l’espoir sur mon visage, je m’agenouillai au seuil de son temple et lui adressai cette prière :

Compagnon des Nymphes et de Bacchus, que Vénus la belle
Donna comme patron aux forêts fécondes, à qui obéit
Lesbos l’illustre et la verte Thasos, qu’adore le Lydien
Aux vêtements flottants et qui as ton temple à Hypépa :
Viens, gardien de Bacchus et joie des Dryades,
Et accueille mes timides prières. Je ne viens pas à toi inondé
Du triste sang du meurtre ; je n’ai pas, impie ennemi, porté la main
Sur l’autel, mais sans ressources et écrasé
Par l’adversité, le crime que j’ai commis n’engage même pas tout mon corps.
Qui pèche par impuissance n’est-il pas moins coupable ? Par cette prière, je t’en supplie,
Décharge-moi de mes peines, oublie une faute si légère,
Et sitôt venue l’heure où la vie me sourira de nouveau,
Je ne souffrirai pas que gloire reste sans honneurs. J’enverrai à les autels,
Religieusement, un boue, père du troupeau ; j’enverrai
Un agneau cornu et le fruit de la laie qui grogne, victime à la mamelle.
Le vin de l’année fumera dans les coupes et, poussant trois cris en ton honneur,
Une jeunesse ivre fera le tour de ton sanctuaire.

Tandis que je fais cette prière sans perdre de vue l’organe malade, la vieille, les cheveux en désordre et vêtue d’une robe noire qui la rend hideuse, pénètre dans le sanctuaire. Elle me prend par le bras et m’entraîne, tout effrayé, hors du portique.

CXXXIV. LA VIEILLE MÈNE POLYFNOS A LA PRÊTRESSE DE PRIAPE

« Quelles sorcières, dit-elle, ont donc rongé tes nerfs ? Ou bien as-tu, la nuit, dans quelque carrefour, mis le