Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/308

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Quiconque a de l’argent navigue sous un vent favorable
Et mène la fortune au gré de ses désirs :
Il peut épouser Danaé, il peut même
Faire croire à Acrisias que Danaé est toujours vierge ;
Il peut faire des vers, des discours,
Plaider même : Caton ne sera pas son égal.
Jurisconsulte il tranchera du coupable ou non coupable
Et sera tout ce que sont Servius et Lahéon.
Mais pourquoi tant de paroles ? ce que tu veux, si tu as argent en poche, demande-le,
Tu l’auras un coffre-fort garni renferme toute la puissance de Jupiter.

Cependant, la vieille prêtresse se démène : elle me met dans les mains une coupe de vin, dont, avec des brins de poireau et de persil elle fait une lustration sur mes doigts étendus, puis jette dans le vase des avelines en prononçant des paroles magiques : suivant qu’elles descendent ou qu’elles remontent, elle en tire des pronostics ; mais je me rendais bien compte que c’étaient les coques vides qui seules surnagaient et qu’au contraire toutes les autres, lourdes d’un fruit sain, restaient au fond. Puis, se saississant de l’oie, elle l’ouvre, en tire le foie qui était parfaitement sain et s’en sert pour me prédire mon destin. Enfin, pour ne laisser subsister aucune trace de mon œuvre, elle découpe l’oie et met les morceaux à la broche, pour en faire un festin en l’honneur de celui qu’elle-même, un instant auparavant, préparait à une mort inévitable[1].

Tout en s’agitant pour ce sacrifice, les deux vieilles buvaient sec ‘ et dévoraient maintenant joyeusement l’oie, cause de tant de désolation. Quand elle fut entièrement mangée, Œnothée, à moitié ivre, se tourna vers moi : « Maintenant achevons, dit-elle, les mystères qui rendront leur vigueur à vos nerfs. »’

  1. Parodie d’une cérémonie d’expiation.