Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/206

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femme ne demande, n’appelle la pâmoison divine du baiser.

Les étoiles d’or se refermèrent ; des lèvres closes, aucune protestation ne vint : Sylvère demeura immobile. Mais s’il avait touché ses mains, il les aurait trouvées glacées ; et s’il avait pu voir ses joues, par un flot de sang battues, il y aurait aperçu une silencieuse coulée de larmes.

La voiture s’arrêta. Paul descendit, sonna, fit passer Sylvère, la salua et referma la porte.

Elle rentra chez elle, ayant trouvé au bas des marches sa petite lampe allumée, jeta son manteau, regarda autour d’elle sa chambre froide, sans feu par cette nuit d’hiver, et si vide, si noire de solitude !… Et le ressouvenir de sa misère aggrava sa détresse morale. Elle finit par se demander pourquoi elle souffrait, et pourquoi il fallait qu’elle se laissât tant souffrir ? Quelque chose de son énergie placide l’abandonnait.

Elle se sentait livrée à de suggestives sensations, récemment éprouvées et qui lui revenaient, plus aiguës, l’obsédant. La vague caresse d’une défaillance physique détendait ses nerfs. D’obscures tentations, toujours refoulées, se précisaient. La lassitude de son corps semblait appeler quelque appui robuste et tendre. Elle élira ses bras et s’apeura, à voir, dans la glace mal éclairée, la silhouette de ce pierrot blanc qui, comme pour s’évader, ouvrait largement, ainsi que des ailes, ses manches…

Oh ! ce gai travesti et l’âme lamentable !… Oh ! le bourdonnement joyeux de la fête récente, parmi les rires et les appels d’amour, et cette chambre vide, obscure, silencieuse ! Le bonheur palpitant l’avait tant effleurée, et, malheureuse, oh ! malheureuse ! elle pleurait. Le terrible pourquoi des destinées