Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/22

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— Je l’avoue, et je le prouve.

— Don Juan !

— Gardez le compliment pour vous, cher maître.

Le poète, souriant, caressait sa belle et pâlissante barbe, encore blonde, cependant, comme des avoines mûres. Puis, laissant là Dablis, il se rapprocha de Mme du Parclet, et, lui offrant son bras :

— Venez-vous prendre une tasse de thé, mon enfant ?

Sylvère, le voyant venir, s’était soulevée vivement, comme pour se jeter vers lui.

— Oh ! oui, emmenez-moi, emmenez-moi, mais pas là, dans l'antichambre ; mon manteau… Je veux m’en aller, vite !…

— Qu’avez-vous ? je voyais bien… Allons, calmez-vous, ma chère…

En deux mots elle lui conta ce qu’elle venait d’entendre ; et sa poitrine se soulevait rapidement dans une colère douloureuse, et ses yeux clairs étincelaient :

— Mme Auber de Vernon… vous me surprenez !… Elle est charmante.

— Mais toutes, toutes, dit-elle. Pourquoi me fuit-on ? Qu’ai-je fait ?… Oh ! maître, je souffre atrocement, je voudrais me tuer…

— Êtes-vous folle ! murmura doucement Guy d’Harssay, en pressant affectueusement le bras qui frémissait sur le sien. Jolie comme vous l’êtes, parler de mourir !… Vous tuer d’amour, oui, je comprends cela, c’est la seule mort que je vous permette… — Laissez votre bras tranquille ; vous savez bien que je vous parle en ami, puisque vous n’avez pas permis que je vous parle autrement. En ami et en philosophe. Ma chère, le monde est ainsi : il faut, pour qu’il accepte une femme, qu’elle lui soit imposée, j’allais dire garantie