Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/26

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— Parce que ?…

— Parce que vous avez mordu au fruit capiteux de la gloire, parce que vous êtes une artiste, et que la lutte vous fouette les nerfs, parce que… Il y a bien d’autres raisons encore, mais vous vous fâcheriez si je vous les disais.

— Dites-les donc !

— Ma chère, vous êtes femme, en dépit de toutes vos vertus ; et vous n’empêcherez pas votre beau marbre d’être secrètement caressé par tous ces souffles de désirs qui montent autour de vous. Et vous vous accoutumerez à ces adorables caresses, tout en vous en défendant ; et vous trouverez une volupté dans les effleurements qui vous font jeter des cris de colère, et vous demeurerez vibrante, avec des battements de cour exquis, à l’échappée de tous ces bras avides, vainement tendus. Et vous finirez par vous faire, vous aussi, une volupté secrète de ce jeu subtil de votre chair inviolée, disputée aux flammes qu’elle traverse en courant et sans autre atteinte que la brûlure rapide d’un baiser envolé… ou volé. Et vous resterez là, courroucée, adorée, enviée, haïe, furieuse, mais palpitante et dans un ravissement intime de votre glorieuse féminité, comme un bel oiseau sauvage que l’on pourchasse, et qui sera peut-être bien heureux quand on l’aura pris. Ah ! que ne puis-je être l’oiseleur !…

— Bonsoir, maître.

— Vous voyez bien que vous vous fâchez.

— Non ; je m’en vais. Voulez-vous me faire donner mon manteau ?

— Et vous ne m’en voulez pas ?

Elle hésita.

— Pas trop.

— Donc vous avouez ?