Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/89

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depuis le jour où elle a pris le voile des novices, par une vocation de son âme angélique.

Un peu bien difficile à élever et à instruire, Lili, une frêle et nerveuse fillette, trop pâle, trop curieuse, une agitée, sans cesse en émoi, et qui tenait de son père un regard inquiet, un front trop haut, une tête cabossée, inquiétante sous la fourrure animale de ses cheveux épais.

Une supérieure autre que mère Louis de Gonzague l’aurait rendue a sa famille. Toutefois, prudente quand même, Emmeline gardait souvent auprès d’elle, pendant les récréations, la petite fille aux instincts précoces ; elle en garait les autres élèves… et s’efforçait, durant ces heures, d’influencer cette intelligence trop vibrante, de faire dévier au profit des enthousiasmes religieux les élans d’un cœur trop chaud.

Mais cette familiarité d’entretien l’exposait à de cruels dialogues.

— Mère Gonzague, maman vous a-t-elle écrit ?

— Oui, ma fille. Elle vous recommande…

— D’être sage, oui, je sais la chanson ?

— Lili !…

— Mère Gonzague, ce n’est pas amusant d’être sage.

— Mais c’est la volonté de Dieu, mon enfant.

— La volonté de Dieu est donc que l’on s’ennuie sur cette terre ?

— Si vous aimiez la vertu, vous n’auriez point d’ennui à la pratiquer.

— On n’aime pas ce que l’on veut. Moi, je n’ai jamais pu aimer à faire mes devoirs. En revanche, j’aime beaucoup à m’amuser. Ce n’est pas ma faute. Prouvez-moi que c’est ma faute.

Mère Gonzague soupirait, baisait son chapelet et l’approchait des lèvres de Lili, qui esquivait la croix et