Page:Piétresson de Saint-Aubin - Promenade aux cimetières de Paris.djvu/62

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si révéré de toute la France, serait en exécration à la plus grande partie de la nation ; qu’un temps viendrait où sa maison de plaisance, fréquentée par les personnages les plus importans de l’état, serait changée en un séjour de mort et de deuil, en un cimetière ! Leçon sublime, et qui démontre de nouveau toute la vanité des choses humaines !

Cette maison du père La Chaise s’élève assez majestueusement sur la pente très-escarpée de la colline, qui forme la plus grande partie du cimetière, pareille à ces monumens construits à grands frais par les anciens, dans les déserts. Elle domine entièrement ce vaste séjour de ruines ; et, grande ruine elle-même, elle semble, par le souvenir qu’elle rappelle, être placée là, comme un jalon, sur la route du passé. Son aspect, aux yeux de ceux qui connaissent son histoire, double la tristesse et la mélancolie qu’inspire naturellement la vue d’un cimetière. Dans ce lieu, où les tombeaux se pressent les uns contre les autres avec une rapidité effrayante, elle ressemble elle-même à un vaste tombeau, d’où les victimes des Cévennes et des dragonnades poussent encore des cris de vengeance contre celui qui les persécuta.

À côté de cette maison, qui cependant n’a jamais dû être belle, et dont le seul mérite était d’être dans une magnifique position, on voit encore les traces et l’emplacement des fossés, et des bassins qui l’entouraient, et fournissaient l’eau nécessaire au service de l’intérieur et à l’arrosement des jardins. Cette eau était amenée par un petit canal souterrain, qui paraît venir des hauteurs voisines, et qui existe encore en partie. Il est situé à droite de la maison, au-dessus d’un enfoncement de terre que l’on reconnaît facilement pour un ancien bassin, et dans lequel ont crû des saules assez élevés. On descend dans le canal, par quelques marches en partie ruinées. L’eau n’y coule plus. Celle qu’on y trouve ne paraît venir que des