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jules janin
Son discours exhalait les plus doux parfums de l’Attique ; il était l’ami de Périclès, et plus encore d’Aspasie. Intelligence, esprit, éloquence, il avait tout : le javelot et le rayon.
Le vent était si doux qui nous venait d’Épire !
On éprouvait si complètement la douceur de vivre ! L’Europe entière était en paix ; la France essayait ses libertés naissantes ; elle revenait (après la révolution de Juillet) à l’enchantement de l’éloquence et des beaux-arts. Plus de mères en deuil, plus de fils mutilés, plus d’enraves à l’honnête et libre parole. De toutes parts les lettres, naguère encore comprimées et soumises au joug du censeur, se pressent autour de ces chartes, pareilles à des boulevards, pour veiller à la défense des plus belles inventions de ce bas monde. Ainsi, plus on s’était battu dans tout l’univers, plus le grand Empereur avait été obéi et tout-puissant, ne laissant après lui d’autre héritier que le genre humain (c’est un mot de M. de Salvandy), plus la France éprouvait le besoin de tout apprendre et de tout sauver.
L’heure intelligente et clémente. Messieurs ! Je m’en souviens comme si c’était d’hier. M. Sainte-Beuve et moi nous étions du même âge et des mêmes écoles. Ainsi chacun de nous rendrait témoignage, au besoin, du courage et du labeur de ses camarades. J’en atteste ici, assis à mes côtés, ces chers témoins de ma vie et de ma fidélité[1]. Nous vivions jeunes et superbes sous le
  1. Ses parrains, MM. Cuvillier-Fleury et Saint-Marc-Girardin