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jules janin
pas tout l’homme, au moins était-ce quelque chose de l’homme ; on se préoccupait tout autant de l’oraison funèbre du grand Condé que de la bataille de Rocroy ; une satire de Despréaux était une fête publique, une comédie de Molière était un événement ; une lettre de Mme de Sévigné courait le monde ; il y avait honneur et gloire, en ce temps-là, d’être un poëte, ou tout simplement un critique.

Ces lignes vigoureuses datent de quarante ans… Ne dirait-on pas qu’elles sont d’hier ?

Les réflexions suivantes intéresseront à coup sûr. Quoi de plus philosophique et de plus poétique en même temps ?

… L’oubli, c’est la règle, et le souvenir, c’est l’exception. Une page oubliée au fond d’un journal devenu le jouet de la rage des vents, est-ce une si grande infortune lorsque tant de poëmes n’ont pas trouvé un acheteur ?
Au moins, cette page errante à travers les caprices de la ville et les oisivetés de la province a vécu, ne fût-ce qu’une heure ; elle a rencontré au moins un lecteur ; elle a servi, peut-être, tout un jour à la conversation, aux commentaires, à l’oisiveté des salons parisiens ; parfois même, au fond des villes les plus lointaines, elle s’est fait jour dans quelque esprit novice ; ou bien quelque cité curieuse a voulu savoir ce que disait cette page