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jules janin
que les autres jours il ait du bon sens, pourvu qu’il soit juste et de bonne compagnie, on ne lui en demande pas davantage ; ajoutez la joie intime de l’homme qui tire de la foule où il se noie, où il se meurt, un poëte aujourd’hui, le lendemain un grand artiste ; tantôt il sauve une comédie aux abois, tantôt il relève un livre ignoré ; ou bien, si le parterre, ébloui d’un vain bruit de paroles, se met à applaudir à faux quelque horrible mélodrame, alors c’est le triomphe de la critique de s’opposer à ces désordres d’une admiration hors de sa voie. En ce moment, vous êtes seul contre une foule… et quelle joie, et quel bonheur de prendre ainsi la défense de la raison outragée, de la langue française insultée, de toutes les majestés de l’art livrées en pâture aux parterres ignorants ! Ou bien, par un matin de printemps, vous voyez entrer dans votre maison honorée M. de Chateaubriand qui vous dit : Bonjour ! comme à un homme de sa famille ; ou bien M. de Lamartine qui se fie à votre parole ; ou bien Meyerbeer qui vous raconte les passions nouvelles dont il va remplir, tantôt, ces artistes qui ne chantent, qui ne pleurent, qui ne vivent que par lui. Ce sont là de grandes fêtes et des joies sincères. Et souvent, quel bonheur encore de savoir toutes les nobles mains qui vous sont tendues, les voix éloquentes qui vous défendent, ces lecteurs qui marchent à vos côtés, dans vos sentiers, dont vous savez les espérances, les passions, les études ! Ô nobles clients ! ils font du critique une espèce de consul.

Quels nobles élans ! quel souffle !… Ainsi