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Page:Pierre-Jean De Smet - voyages aux Montagnes Rocheuses.djvu/379

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CHEZ LES TRIBUS INDIENNES

directions, les uns à la chasse du gibier, les autres à la pêche. Ces derniers ne réussirent à prendre qu’une seule truite ; les chasseurs retournèrent le soir avec une oie assez maigre et six œufs de cygne : c’était un pauvre souper pour tant de monde. Le poisson et l’oiseau furent mis sur la braise devant un grand feu, et bientôt la portion se trouva en état de mètre présentée. La plupart de ces braves gens s’apprêtant à jeûner, j’en exprimai ma peine, et je tâchai de les consoler en leur disant que le bon Dieu ne laisserait pas sans récompense ce qu’ils avaient voulu faire pour moi. Presque au même instant on entendit venir de loin un chasseur, qu’on n’attendait plus parce qu’on les croyait tous de retour. L’espoir se peignit sur les visages : en effet, il arriva chargé d’un gros cerf, et les soucis firent place aux apprêts du festin. C’était un plaisir de voir tous les sauvages en activité : les uns faisaient les bouchers, d’autres allumaient un meilleur feu ; on coupait, on préparait les bâtons pour servir de broches aux plats côtés, à la langue, aux cuisses, aux épaules, etc. Le festin, qui avait commencé sous de maigres auspices, se prolongea bien avant dans la nuit ; l’animal entier y passa, à l’exception d’un morceau qui fut réservé pour mon déjeuner. Voilà un échantillon de la vie sauvage : l’Indien souffre longtemps la faim sans se plaindre, mais au milieu de l’abondance il ne connaît point de mesure. L’estomac sauvage m’a toujours paru une véritable énigme.