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Page:Pierre-Jean De Smet - voyages aux Montagnes Rocheuses.djvu/446

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TRADITIONS, MOEURS ET COUTUMES

Piasa. La dernière nuit de ce jeûne, le Grand-Esprit apparut en songe à Outaga, l’avertit de choisir vingt guerriers, chacun armé d’un arc et d’une flèche empoisonnée, et de les cacher dans un endroit désigné. Un seul guerrier devait se montrer à découvert, pour servir de victime à Piasa, sur lequel tous les autres décocheraient leurs flèches au moment où l’oiseau s’élancerait sur sa proie. À son réveil, le chef remercia le Grand-Esprit, et retourna raconter son songe à sa tribu. Les guerriers furent choisis, armés sans délai et placés en embuscade. Outaga s’offrit lui-même pour servir de victime : il était prêt à mourir pour sa nation. Debout sur une éminence, il vit le Piasa perché sur le roc ; il se dressa de toute sa hauteur, appuya ses pieds fortement sur la terre, la main droite sur son cœur qui ne battait pas, et entonna d’une voix ferme le chant de mort d’un guerrier. Aussitôt le Piasa prit son essor, et comme un éclair il s’élança sur le chef. Tous les arcs étaient tendus, et chaque flèche lui entra dans le corps, jusqu’aux pennes. Le Piasa jeta un cri effrayant et sauvage, et expira aux pieds d’Outaga. Ni les flèches, ni les griffes de l’oiseau n’avaient touché le guerrier. Le Maître de la vie, pour récompenser le dévouement généreux d’Outaga, avait suspendu un bouclier invisible au-dessus de sa tête. En mémoire de cet événement, l’image du Piasa a été ciselée dans le roc. Telle est la tradition indienne, et je la donne comme je