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D’UNE FEMME DU MONDE.

merce direct et plus intime avec la divinité. Que de fois la nuit me surprit, agenouillée devant l’autel, la tête dans les mains, priant ou rêvant. Une ombre me frôlait, une voix murmurait à mon oreille : « On va fermer la chapelle, Madame ». Je demeurais quelques instants indécise, troublée, comme une personne que l’on a réveillée subitement et qui rassemble ses esprits avec peine. Et puis je partais, le cœur triste, me promettant de revenir au saint lieu dès qu’il me serait possible.

L’abbé de la Vernière, qui est pourtant intelligent et mieux que dévot, aurait dû me faire voir les dangers de cette recrudescence exagérée de piété rêveuse, qu’avait chez moi provoquée l’infortune et dont le premier inconvénient était de m’écarter des soins vulgaires du ménage. Peut-être ne les vit-il pas lui-même, ces dangers ; peut-être se trompa-t-il sur ma nature ; peut-être me crut-il folle, alors que je n’étais qu’affolée. Toujours est-il qu’au lieu de m’indiquer une autre voie, plus pratique et dans laquelle se fût exercée avec plus de profit mon activité, il m’encouragea dans celle que j’avais choisie.

Ce fut mon malheur.

Ce qui tout d’abord m’avait séduite et con-