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LE JOURNAL

dépit, je m’en lassai plus vite encore que de la dévotion et du monde.

J’ai donc essayé de tout, sans m’arrêter à rien. Aujourd’hui je languis tristement et je nourris, comme un cancer, le mal qui me ronge le cœur.

Ce mal étrange, je m’en rends compte maintenant, n’est autre qu’un violent besoin d’affection : la religion qui n’offre à l’amour et à l’adoration de ses adeptes que des entités, a pu le tromper un instant, mais non le satisfaire complètement. Et voilà pourquoi, n’ayant personne à qui m’attacher, dans L’isolement où je suis, ma douleur m’est devenue chère : c’est ma compagne inséparable, ma seule amie et elle me restera fidèle, puisque personne autour de moi ne me peut consoler, ne soupçonne même le mal dont je souffre.

Personne !… et j’ai une mère !

Ah ! la vie, quelque chargée d’ennuis qu’elle soit, me serait douce, si ma mère du moins avait pu rester pour moi l’aimable confidente de mes jeunes années. Le ciel m’a refusé jusqu’à cette consolation : le jour, où, l’oreille à la porte du cabinet de mon père, j’ai appris notre triste situation et ce qu’on attendait de moi, ce jour-là, je me suis juré que jamais ma