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LE JOURNAL

çût de mon trouble et ne le prît pour un aveu, peut-être.

— Si nous rentrions ? demandai-je.

— Comme vous voudrez : il fait si bon pourtant !

— J’ai du monde à déjeuner, il faut que je m’habille.

— Vous allez au polo, cet après-midi ?

— Peut-être. Montez-vous ?

— Oui. La partie sera intéressante : lord Rosebery est arrivé hier soir à Deauville avec une douzaine de chevaux.

— C’est entendu, j’irai.

Nous descendîmes la côte. Sur Deauville une légère buée grisâtre flottait, annonçant une journée chaude. Toby, qui sentait l’écurie, marchait bon train : en peu de temps, nous atteignîmes la ville. Sur les gros pavés, la voiture sautait, rebondissait, rapide. Les quais apparurent, que nous longeâmes : dans les bassins étaient symétriquement rangés des bateaux de commerce aux formes sombres et sobres, et plus loin, les yachts gracieux et coquets, aux couleurs vives, aux cuivres éblouissants ; dans l’air, hachant l’horizon, se dressait une forêt de mâts, au faîte desquels claquaient au vent les pavillons multicolores.