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LE JOURNAL.

regardait, semblant attendre l’ultime réponse. D’abord il se fit en mon esprit un tel trouble que je restai devant lui, comme hébétée, ne sachant même plus ni pourquoi j’étais affolée, ni ce qu’il me demandait. Puis, soudain, avec une netteté effrayante, m’apparut dans toute son horreur le dilemme posé : elle ou lui ? Un instant, sur mes lèvres, deux mots se débattirent, résumant deux amours, dont l’un devait, en cette seconde, triompher de l’autre ; une force mystérieuse me poussait, me poussait vers lui, mais une autre, également mystérieuse, celle-là irrésistible, me cloua à ma place, et je criai une dernière fois :

— Jamais !

Il disparut. La porte se referma. J’entendis le bruit de ses pas s’évanouir dans le silence ; un sanglot s’échappa de ma gorge desséchée ; je fis quelques pas, chancelai, et m’abattis de toute la longueur de mon corps, inerte, au pied du berceau de ma fille.

FIN DU JOURNAL
DE RAYMONDE GRANDIDIER